2018 01 La nuit par Francine
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ATELIER
D’ECRITURE « ECRI’VET »
A partir de
photos de L'Atelier Photo / VET
sur le thème de LA
NUIT
Déroulement de la séance :
Parmi les
photos du club sur le thème de LA NUIT, l’animatrice en a retenu 8. Ces photos
sont posées à l’envers sur la table. Toutes les 8 minutes une photo est tirée
au sort, retournée et chacun écrit durant 8 minutes à partir de cette photo.
Consignes d’écriture
Il s’agit
d’écrire 8 paragraphes d’une histoire qui se tient, chaque paragraphe
correspondant à une photo et à un moment de la nuit. Chacun des paragraphes
doit débuter par l’indication de l’heure à laquelle la scène se déroule.
Le récit
doit commencer par un personnage qui sort de chez lui, de nuit.
23h. Marylou
vient de franchir le seuil de son immeuble. Une envie irrépressible de sortir
l’a prise à la fin du film télé. Ce soir, fête de la musique, certains
quartiers de la ville sont très animés. C’est le cas dans celui de Marylou dont
l’immeuble une barre des années 60, va bientôt être démoli.
Alors ce soir au pied de l’immeuble un podium a été installé,
comme tous les ans, mais pour la dernière fois sans doute. Quand Marylou sort,
la nuit profonde enrobe tout le quartier et on ne distingue que les cinq
musiciens qui se déchaînent sous des spots d’un rouge violent, violent comme leur
musique que Marylou déteste.
Il est 23h15.
Marylou a quitté son quartier et se trouve à présent dans un secteur très huppé
de la ville. Ici pas de podiums, pas d’orchestres rock ou métal, ici pas de
musique du tout, ici la fête de la musique ne s’affiche pas.
Appuyée contre le mur d’une propriété Marylou allume une
cigarette qu’elle savoure lentement en observant toutes les belles demeures
autour d’elle. Elle rêve d’avoir un jour une telle maison mais elle sait que
son rêve ne se réalisera jamais. Une fille
qui habite une barre, comme ses parents avant elle, une telle fille ne vivra
jamais dans ce quartier chic. Pourtant Marylou fait tout pour donner le change,
vêtements plutôt bon genre, coiffure bien lisse, maquillage très léger… mais au
fond de ses yeux… une lueur rebelle, sauvage, violente, comme cette musique
qu’elle n’aime pas.
Il est 23h45.
Marylou s’arrête sur le pont des amours, ainsi surnommé depuis trois ans,
depuis que des centaines de cadenas y ont été accrochés par des amoureux pour
symboliser leur relation. Marylou regarde le cadenas que Luc avait fixé avec
elle, pour elle. Ah ! Il s’était bien moqué d’elle. Quand il avait fermé
le cadenas il savait déjà qu’il la quitterait. Le temps n’a rien changé,
Marylou lui en veut toujours autant. En pensant à lui la colère revient, la
rage la submerge. Depuis trois ans elle n’a qu’une idée, se venger. Et ce n’est
peut-être pas un hasard si un besoin irrépressible l’a faite sortir ce soir,
anniversaire de leur rupture.
Il est 3h du
matin. Marylou a déambulé pendant trois heures, sans but précis, toute à ses
pensées, ses pensées de vengeance. Dans la ville les musiques se sont tues,
seuls quelques fêtards animent encore les quartiers dit
« difficiles ». Marylou, elle, traverse le grand boulevard désert et
silencieux où des enseignes brillent encore sur des façades d’immeubles
commerciaux. Mais Marylou ne voit plus rien. En trois heures tout s’est précisé
sans qu’elle le veuille vraiment et un plan pour sa vengeance s’est élaboré
avec précision, ce sera pour cette nuit.
Il est 3h30. Il
reste à Marylou un pont à franchir avant
d’atteindre son objectif. Mais sur ce pont un personnage, non pas un passant,
mais un photographe occupé à prendre des clichés de nuit. Marylou ne veut pas
se faire remarquer. Elle reste dans l’ombre et attend le départ de l’homme.
Mais il s’attarde… elle se décide alors à poursuivre son chemin jusqu’au
prochain pont, heureusement désert et à traverser. Encore cinq à sept minutes
et elle touchera au but. Pauvre Luc, si tu savais ce qui se prépare.
Il est 4h. Au bout
de la rue un virage, et après le virage, la petite maison de Luc. Tout est
calme et sombre ; dans la portion de rue où se trouve Marylou, pas de
lumière, les silhouettes des arbres accentuent l’atmosphère angoissante du
lieu. Cette maison, Marylou y a passé des heures merveilleuses avec Luc, elle
espérait y voir un jour gambader leurs enfants. Mais Luc… mais Luc… Marylou
serre les poings. Une dernière cigarette pour se donner du courage et elle va y
aller, oui, elle va y aller.
Il est 4h15.
Marylou ouvre discrètement le portillon de bois qui donne accès au jardin
derrière la maison. Le pavillon est dans l’obscurité, volets fermés, pas un
bruit. Marylou sort son briquet et s’approche de l’appentis en bois qui
s’appuie sur la maison. Elle sait qu’à l’intérieur se trouve le stock de
prospectus et journaux collectés par Luc et dont la revente financera un voyage
scolaire. Il suffira d’une étincelle. Elle imagine déjà le cabanon en feu, puis
les flammes embrasant la maison elle-même.
Il est 4h25.
Marylou repart. Derrière elle l’appentis et la maison sont intacts. Au moment
de mettre le feu à la cabane, Marylou a cru voir un visage se dessiner derrière
la petite fenêtre, le visage de sa mère, sa mère au bord des larmes semblant
lui dire «non ne fais pas cela », et Marylou a rangé son briquet en
pensant à ce qu’un ami lui avait dit : « la nuit c’est l’enfance qui
revient ». Cette nuit elle est redevenue une enfant pour qui la vengeance
ne signifie rien, n’existe pas. Elle remet en place les écouteurs de son
baladeur, se choisit une musique douce et dans la nuit calme reprend le chemin
de son immeuble, apaisée. Maintenant elle est enfin libérée de Luc.
Francine